Qatar, Glencore-Xstrata : fusion sous pression

Depuis février, le fonds souverain du Qatar achète des actions de Xstrata jusqu’à en détenir près de 11% au 14 juin 2012. La trajectoire de ce vecteur n’est probablement pas terminée.

Glencore, le producteur négociant en énergies, métaux et produits agricoles a annoncé en février son intention de ne faire qu’un avec sa filiale minière Xstrata via une fusion d’environ 62 milliards de dollars. Glencore détient déjà 33,65% d’Xstrata. Cette opération créerait un géant derrière les BHP Billiton, Rio Tinto, Vale, Anglo American…

L’opération entre ces deux sociétés basées en Suisse était gagnée d’avance tant les investisseurs attendaient depuis longtemps la perspective de recevoir une prime pour leurs actions Xstrata.

Une première déconvenue fût que nulle espèce ne serait versée aux actionnaires d’Xstrata. C’est une opération entre égaux qui était proposée avec un taux de 2,8 actions Glencore pour chaque action Xstrata. Au final, les actionnaires de Xstrata, sans comptabiliser les 33,65% de Glencore, détiendrait 45% de la nouvelle entité.

Avant que les actionnaires ne votent le 12 juillet en faveur ou défaveur de cette fusion, plusieurs événements captivent l’attention :

–  Depuis février, d’aucuns suggèrent qu’à 2,8 le ratio est beaucoup trop faible et sous-estime les actifs du mineur alors que d’autres pensent que Glencore étant déjà actionnaire de référence d’Xstrata il faut accepter. Les partisans de la cause perdue ont cédé leurs actions Xstrata pour acheter celles de Glencore, au contraire d’autres renforcent leurs positions. Le graphique l’indique, les seconds sont moins nombreux, chacun vote avant l’heure avec ses pieds.

–  Depuis février, le fonds souverain du Qatar achète des actions d’Xstrata jusqu’à en détenir 10,98% au 14 juin 2012. La trajectoire de ce vecteur n’est probablement pas terminée si l’on comptait les produits dérivés sur actions. D’autres fonds souverains ne désemparent pas non plus, notamment ceux de Singapour et de la Norvège.

–  Craignant que ses 73 principaux cadres dirigeants ne s’échappent après la fusion, Xstrata souhaite les retenir pour au moins trois années. Dans le cadre de la fusion, 173 millions de livres, soit 216 millions d’euros, de primes salariales supplémentaires seront octroyées. Les synergies post-fusion seraient à ce prix.

Quelques éléments de réflexion sont à noter.

Si la fusion ne récompense pas les actionnaires en espèces pour avoir accompagné Xstrata tout au long des dix dernières années, ce n’est pas le cas des cadres dirigeants avec cette proposition à 173 millions de livres. Il y a là une intéressante asymétrie.

S’explique-t-elle par la nature des actionnaires ou la rareté des compétences des dirigeants ? Le monde minier ne dispose-t-il pas de ressources humaines pour conduire cette fusion si les actuels cadres dirigeants d’Xstrata s’en éloignaient ? La question ne se pose pas immédiatement : si les actionnaires d’Xstrata votent contre cette prime, d’aucuns suggèrent que la fusion est morte car il n’est pas encore envisagé qu’elle se déroule sans les dirigeants actuels.

Pour les fonds d’investissement cet aspect des choses est à renégocier.

Pour les fonds souverains c’est le ratio qu’il faut renégocier : 2,8 est insuffisant, il doit être largement supérieur à 3, la dernière bataille est engagée. Il est vrai, toutefois, qu’ils se sont placés pour aussi bien bénéficier de la fusion du négociant avec sa filiale minière que pour gérer l’avenir de ce même mineur si la fusion avec son actionnaire de référence échoue.

Nul ne doit s’en étonner. Au sommet des sociétés de ressources naturelles, producteurs ou négociants, nous retrouvons quelques États actionnaires (via des fonds souverains ou des faux-nez) à la vision limpide : sécuriser en amont, chez le producteur, une offre de matières premières vitales sans l’agressivité d’envahissements vétérotestamentaires.

Le succès de la fusion répond à cette stratégie et, dans le cas d’une réussite, les temps changeront dans la société. Inversement, les conséquences de son insuccès transformeraient Xstrata en une « situation spéciale » bien connue des gérants, un groupe particulièrement pétillant.

Conclusion
Faut-il acheter du Xstrata ?

Publié dans Les Échos le 27 06 2012