A l’heure du projet de loi relatif à la transition énergétique, une simple facture EDF permet de constater que la France consomme déjà très peu d’énergies fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Rangeant de vieux papiers, je trouvais une vieille facture EDF égarée. Elle intriguait. À son époque, l’électricité coûtait peu cher. Elle avait en outre la pudeur de ne nous montrer qu’une taxe de « Contribution au Service Public d’Electricité » alors qu’aujourd’hui sa descendance dévoile une «Taxe sur la Consommation Finale d’Energie» (la taxe éolienne) et la «Contribution Tarifaire d’Acheminement d’Electricité ».
Cette vielle facture détaille aussi l’origine de l’électricité de cette époque : 83.4% nucléaire, 7.6% hydraulique, 0.5% autres renouvelables, 3.1% charbon, 1.3% fioul, et 0.3% autres ; à comparer avec votre facture 2014 qui indique qu’en 2013 l’origine de l’électricité est respectivement 79.3%, 9.3%, 5.1%, 3.3%, 1%, 0.3% auxquels s’ajoutent 1.7% gaz pour faire les 100%.
Entre le passé et le présent, trois éléments intéressent :
• La baisse de 4% du nucléaire ;
• La houille blanche, l’hydraulique était et restera probablement la plus importante énergie renouvelable en France ;
• En 2014, aux productions d’électricité au charbon et au fioul
(obsolètes et qui fermeront en 2016), s’est ajoutée une production au
gaz peu rentable, notamment à cause du faible prix du charbon. Au total,
6% de la production électrique française contribuent directement à
l’effet de serre. Pourquoi ne pas les faire migrer rapidement vers
d’autres origines ; mais lesquelles ?
Cette dernière question est une interrogation raisonnable du débat français sur la transition énergétique. En effet, notre production électrique comparée aux autres productions de grandes nations révèle que nous avons énergiquement transité il y a belle lurette.
La France en avance
En Chine, ce sont environ 80% de l’électricité qui sont engendrés par le charbon mais fort d’une hausse de l’hydroélectricité le gouvernement vient de bannir l’emploi de la houille la plus polluante (limitant le soufre, les poussières, le mercure, l’arsenic, le phosphore, le fluor), la suite de cette transition suivra au profit d’autres sources dont le nucléaire et le renouvelable; en 2012 l’électricité australienne provenait d’environ 70% de la combustion du charbon et au Danemark c’était 35%; en Italie le charbon progressait de 10% en 1993 à 16% en 2012 ; au Royaume-Uni il passait de 30% en 2011 à 40% en 2012 ; en Espagne il passe de 9% en 2010 à 19% en 2012 ; En Allemagne (cf l’atmosphère française est-elle polluée par le charbon allemand ?), 53% de la production électrique du premier semestre 2013 provenaient du charbon (notamment du lignite), 46% sur l’année entière et ce chiffre est en route vers les 50%. Lisez ou relisez « mortelle transition énergétique allemande »
Au total 40% de l’électricité mondiale provient du charbon, en France ce chiffre est de 3.3%, et donc appliquer le modèle énergétique global à la France nous reculerait vers la France des années 50. Par conséquent, au regard du réchauffement climatique, nous sommes en avance sur toutes ces nations charbonnières. La transition qu’elles opèrent vers moins d’hydrocarbures, est derrière nous. C’est cette philosophie positive française que nous devons conserver : nous avons une exception énergétique qui est culturelle, battons-nous pour elle ; nous avons cette exception bénéfique, gardons là également et améliorons la par deux moyens.
Premièrement, si cela ne présente pas un danger de panne généralisée, faisons évoluer nos 6% d’électricité produits à partir de charbon, gaz et fioul vers des énergies renouvelables (ou du nucléaire si nous ne pouvons faire autrement) pour autant que ces sources répondent aux premiers souhaits des consommateurs : une énergie fiable et un prix abordable.
A ce sujet, la transparence sur les prix est nécessaire et l’Assemblée Nationale révélait cet été (voir photo plus haut) que l’éolien maritime français aurait un coût de 220.70€, quatre fois plus cher que notre prix de marché de 53.7€. Il vaut mieux privilégier le solaire local notamment dans l’habitat (voir plus loin) car nous n’avons pas les grands espaces américains ou chinois pour saler et poivrer nos paysages de champs éoliens terrestres. À propos de la France défigurée, puis-je vous recommander de visionner le petit film « l’énergie éolienne la grande escroquerie », et ses interrogations sur la corruption à la française, la gabegie, les atteintes à l’environnement …. Mais que cela ne freine pas la pertinence de solutions éoliennes du type Vergnet pour les outremers ou bien les géographies particulièrement isolées. Si la transition énergétique peut nous aider à faire de bons choix basés sur les prix, c’est une amélioration.
Recycler les déchets nucléaires
Deuxième sujet de progrès : l’économie circulaire de la fission nucléaire. Les déchets de combustible nucléaire d’aujourd’hui sont le combustible des centrales nucléaires de demain. En effet, les futurs réacteurs à neutrons rapides (RNR) bruleront les déchets de nos centrales actuelles. Ce carburant est déjà entreposé sur notre sol et son volume couvre 10 000 années de production d’électricité actuelle. Par conséquent le faible effet de serre de la filière se réduira encore avec la baisse des besoins d’uranium minier et la fermeture de mines d’uranium superfétatoires. Et ne parlons pas des réacteurs au thorium qui nécessiteront également ces déchets ou bien de la fusion nucléaire dont le combustible principal est contenu dans l’eau… RNR et réacteur au thorium sont un avenir déjà en marche en Chine, en Inde et en Russie mais bizarrement peu en France, pays leader du nucléaire. Pourquoi ?
Au-delà de la production d’électricité, la transition énergétique compte deux autres chapitres importants : l’habitat et le transport.
Pour l’habitat, si nous devions nous inspirer d’un modèle nous pourrions nous inspirer de celui de l’Europe du Nord, la France est sous-équipée dans l’habitat : isolation des habitations, bâtiments à énergie positive, villes intelligentes comment ne pas réconcilier les français avec l’idée de progrès grâce au solaire. Il doit concentrer les énergies de recherche et de financement. Ce rattrapage est logiquement aux antipodes du jacobinisme : que la transition énergétique planifie certes, mais laissons la créativité locale, voire individuelle, s’emparer de la mise en œuvre.
Pour le transport, inutile de parler de la propulsion de la voiture électrique sans une source d’énergie électrique propre. Mais on ne peut pas attendre les vents des tempêtes d’hiver (éolien), les canicules d’été (solaire) ou encore l’hydrogène du méthane (CO²) pour faire le plein des batteries. La voiture électrique n’est pas la parente d’énergies intermittentes mais celle d’une production électrique continue, massive et propre. Tant que l’on ne stockera pas efficacement l’électricité, la voiture électrique sera l’enfant légitime de la fission nucléaire d’aujourd’hui et de la fusion nucléaire de demain.
Toutefois, ces vecteurs de la transition énergétique souffriront de la perte de la branche énergie d’Alstom (si celle-ci est définitive). Une fois marié avec disons un Google dans les « villes intelligentes », il ne restera du génie des 17 000 personnes qui travaillaient dans les « grids » d’Alstom qu’un souvenir amer à la Péchiney.
Même remarque de trahison d’élites pour le département leader mondial de l’hydroélectrique d’Alstom, Neyrpic. Il disparait au moment même où la demande hydroélectrique africaine va exploser. Songeons que le projet de barrage Inga 6 en République Démocratique du Congo est chiffré à 50 milliards USD (7 EPR) qu’il est deux fois plus grand que le plus grand barrage mondial actuel, les Trois Gorges en Chine, et qu’à lui seul il doublera la production électrique du continent africain.
Même sentiment de déloyauté à l’égard des ingénieurs d’Alstom qui baptisèrent les turbines vapeur du nom d’Arabelle. Là où elles sont, seront-elles rebaptisées Beverly, Brenda, Peggy ou bien Kimberly … ? Au choix