L’usage de l’uranium revient au goût du jour. Les acteurs du nucléaire ont peu de temps pour définir une doctrine gagnante. L’Allemagne, s’isole avec ses mines de charbon.
L’an dernier, pendant quelques semaines, les prix spot de l’uranium s’équilibraient à 28$. Un prix 4.5 fois moins élevé que les historiques folies de l’année 2007, et un prix critique qui théoriquement plongeait dans le rouge 50% des mines dans le monde. Heureusement, depuis, le prix spot reprenait 42% et remontait vers 40$. Le prix long terme, retenu pour la plus grande partie des transactions, au plus bas à 40$ en 2014, reprenait 25% et s’équilibrait à 50$ au printemps 2015
La filière uranium se porte donc mieux en 2015 qu’en 2014.
• Des clarifications ont été apportées dans l’étonnante affaire minière http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-98595-uramin-et-areva-une-mine-de-rien-ou-une-affaire-detat-1006958.php franco-canado-africaine ;
• la situation nucléaire japonaise s’est également clarifiée : le redémarrage de certaines centrales est souhaité mais d’autres seront définitivement fermées, avant Foukoushima le Japon produisait 30% d’électricité nucléaire et envisageait au moins 40% à l’horizon 2017, désormais l’objectif national court terme est 20% afin de réduire celle du charbon ;
• de nombreuses nouvelles centrales sortent de terre en Chine, en Inde, aux Emirats… et le ralentissement des projets post-Foukoushima laissait place à une accélération de contrats et de nombreuses discussions en Jordanie, en Turquie, en Grande Bretagne, en Roumanie, en Inde, en Chine, au Nigéria, en Afrique du Sud, en Iran, en Indonésie… ;
• aux Etats-Unis un récent sondage indique que 51% de la population est favorable à l’électricité nucléaire, en France, le ministère en charge promeut le futur remplacement contrôlé d’anciennes centrales par de nouveaux établissements.
Mondialement, l’usage de l’uranium revient au goût du jour, à l’exception notable d’une Allemagne isolée qui remplace ses centrales nucléaires par des mines de lignite et de charbon avec deux conséquences.
1. L’enfumage aux particules de l’atmosphère européenne
http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-93555-latmosphere-francaise-est-elle-polluee-par-le-charbon-allemand-1003384.php
révélé en 2014
. En Allemagne 7 centrales fonctionnant au charbon ou au lignite
sur 10 polluent au-delà des normes écologiques évoquées par le
gouvernement allemand en mars 2015. Ces usine datent en général d’avant
1997. Reconnaissons également que les particules industrielles du
Bénélux, notamment autour d’Anvers, et celles du charbon polonais
voyagent vers l’ouest…
2. Les emplois de la « transition énergétique allemande »sont
sécurisés à 100% par les mines de lignite, de charbon et leurs centrales
électriques. Faudrait-il vérifier de manière indépendante si les
emplois créés dans ces énergies climatiques subsisteraient sans ceux des
mines de lignite et de charbon ? Ou demain par des centrales
fonctionnant au gaz russe ?
Mais revenons aux mines d’uranium. Pour les prochaines décennies, les
deux leaders mondiaux, le Kazakhstan et le canadien Cameco suivent la
route qu’ils se sont tracés.
Le premier voyait ses coûts miniers bénéficier de la dévaluation du
Tenge début 2014 puis de l’appréciation du dollar. Il augmente
continument sa production depuis des années et livrait à la Chine un
stock stratégique de combustible qui subviendra partiellement aux
besoins des futures capacités nucléaires chinoises d’ici à 2030 (environ
200 GW, plus de trois fois la capacité française et deux fois celle des
Etats-Unis.
Avec l’Inde, le second vient de signer un petit contrat
d’approvisionnement qui ne représente que 4% de ses ventes. Mais à ce
jour, seuls 3% de l’électricité indienne ont pour origine le nucléaire,
le pays planifie de passer à 25% en 2050 et d’ici à 2032 il doit
multiplier par 7.5 ses capacités d’électricité nucléaire, à 45GW. Cette
porte est donc ouverte.
Les prix de l’uranium en hausse reflètent une industrie nucléaire en progression. La hausse de la production minière d’uranium d’Asie Centrale et du Canada d’une part, le marché de construction des futures centrales ou l’on rencontre fréquemment le Russe Rosatom et le futur leader chinois d’autre part, laissent peu d’espace et de temps aux autres acteurs légitimes pour définir une nouvelle doctrine industrielle gagnante. Et pourtant, certaines évidences sont limpides!
Publié dans Les Échos le 17 04 2015