Couleur, pureté, taille et poids, chaque paramètre étalonne un diamant qui est d’autant plus pur qu’il deviendra comme habité du néant. Le mystère d’une émeraude réside dans les impressions d’un jardin à la Monet. Néant et terre, âme et matière, rien et tout, deux extrêmes en vogue tour à tour et dont l’engouement illustre une psychologie et un état du monde … du luxe.
Pourquoi les émeraudes sont elles aujourd’hui au goût du jour ? Non pas parce qu’elles s’apparenteraient à un diamant de couleur, frère des diamants roses ou jaunes, mais au contraire, parce qu’elles ont des particularités, des jardins qui les disqualifieraient si elles étaient diamant. Ce sont ces « défauts », absents des tsavorites, qui les vivifient et les humanisent, ils sont sans égal et uniques. Les émeraudes parlent du vert Giverny, d’un lagon, d’un nuage de jade. Elles sont aussi à la mode parce que leur couleur apaise, l’œil s’y repose d’une rêverie et y ressource son espoir de jours meilleurs. Elles ont enfin le chic de séduire les nouvelles clientèles des marchés orientaux. La demande est en plein boum.
La production d’émeraude est en revanche erratique. En Colombie, Muzo et Chivor sont les mines historiques dotées d’émeraudes hors du commun. Mais, anciennes, la production y est faible et les grandes pierres sont rares.
Quantifier l’offre tout comme calculer un coût de production relèvent de l’impossible
L’Afghanistan, le Pakistan, la Birmanie et la Zambie produisent également.
Les deux premiers connaissent les caractéristiques d’une production proche de la ligne Durand ; quantifier l’offre tout comme calculer un coût de production relèvent de l’impossible, mais si un producteur situé à l’ouest de cette ligne vend des pierres entre 80 et 100 dollars le carat au grossiste à l’est de cette frontière, ce dernier peut disposer d’une marge de 200% à 300%.
Le troisième pays est également la proie de particularités politiques.
Seul le quatrième connait l’expansion d’une certaine clarté grâce à l’ouverture de Kagem, la plus grande mine d’émeraude au monde, qui met aux enchères internationales sa production directement à Lusaka.
Justement, l’été dernier, 36 acheteurs se sont rendus pour la première fois dans la capitale zambienne et ont acquis près de 584 000 émeraudes de qualité supérieure pour 31.5 millions de dollars ; le prix moyen record (de 54 dollars le carat) était en hausse de 26% par rapport à la meilleure performance précédente de juillet 2011, établie à Singapour, et également en hausse de 1.130 % par rapport à la vente de juillet 2009 à Londres.
Opportunisme des acheteurs et de la discontinuité de la qualité des produits
Certes, la signification de ce signal prix de
gros est à relativiser compte tenu de l’opportunisme des acheteurs et de
la discontinuité de la qualité des produits, cependant il indique une
tendance de fond propice à l’émeraude.
Au détail, les prix sont différents, mais les pierres taillées et
montées permettent de belles affaires chez des spécialistes de
l’émeraude dans le quartier parisien de l’Opéra.
Saphir et rubis devraient relever de la même analyse mais, indomptées, leurs lumières restent obscures et seules les spécificités de l’émeraude conservent un éclat misanthropique.
Publié dans Les Échos le 18 09 2013
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