Pour le family office, les « métaux rares » ne sont pas AAA++

In La Tribune 08/01/2020

La géopolitique est malade de ses propres crises sans fin. Parrainées par des intérêts particuliers et internationaux plutôt que par une cause commune et locale, elles hantent la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient.

La dette mondiale est également malade. Chacun sait que ce marché sera l’objet de la prochaine crise, les volumes de crédit à haut rendement, c’est-à-dire faiblement noté, ont explosé depuis 2008. Sponsorisée par les politiques accommodantes des banques centrales et les taux d’intérêt négatifs, la dette a tout financé, y compris les rachats de leurs propres actions par les entreprises.

Résumé sans nuance, je le reconnais, mais qui synthétise cependant un récent échange avec un « family office » remarquablement bien géré. Mais les indices boursiers sont au zénith, c’est pourquoi cette conversation abordait une interrogation : la géopolitique du hors contrôle, du tout est permis, éliminera-t-elle un jour une dette devenue insubstantielle ? Faut-il s’en prémunir en accentuant l’achat de valeurs refuges ?

Tentations

La conversation se prolongeait vers diverses tentations dans des fonds d’investissement spécialisés en ressources minérales exotiques. Mais je dessillais les yeux de mon interlocuteur par un historique de propositions malheureuses offertes au marché pour des placements dans de tels métaux : rhodium ou d’autres platinoïdes, indium, rhénium, tantale, molybdène, lithium, etc. Puis, par l’histoire récente des investissements dans les terres rares, je les dénonçais dès 2015, l’AMF fit un avertissement et il y aura peut-être des poursuites judiciaires.

Autre péripétie, celle de la société Cobalt27. Sa pérennité était mise en doute il y a un an avant qu’elle ne disparaisse 9 mois plus tard, à l’automne 2019, absorbée par la société Nickel 28, dont l’avenir pourrait également apparaître étrange. Ce bref audit se concluait par l’examen de fonds d’investissements liés à la fake-news des « métaux rares ». L’extrême fragilité de leur modèle et leur prochaine disparition apparaissaient comme une évidence.

Aventures hasardeuses

À chaque fois la difficulté de ces aventures hasardeuses n’était pas d’identifier et d’acheter des actifs métalliques affaiblis, bientôt en crise ou bien qui engendreront de « fantastiques plus-values ». Mais au contraire, alors que la hausse de leurs prix englueront, rétréciront, voire refermeront leurs marchés, le problème est de réussir à solder rapidement la position de ces métaux au lieu d’être contraint d’attendre plusieurs mois, une demi-année ou plus, de trouver une contrepartie fiable et de lui vendre à un vrai prix de marché et non pas un prix zombie, sans pour autant payer des frais outranciers aux gestionnaires, etc. Autant d’éléments techniques souvent dissimulés par les communicants.

Compte tenu du nombre d’imposteurs dont le fonds de commerce sont ces mirages, mais qui n’ont jamais œuvré dans une industrie et donc ne savent pas comment opérer – suivez mon regard -, il est aisé d’être alpagué par ces individus attrape-tout. Le dicton du grand philosophe populaire du 20e siècle, Coluche, n’aura ici jamais autant été approprié : « C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison. »

Tout bien considéré, c’est l’or qui aura été choisi. À l’inverse des métaux exotiques, le métal jaune dispose d’un marché profond, liquide, avec des contreparties instantanées et fiables, les banques centrales le recherche, car il n’est la dette de personne (relire lentement et y penser longuement) : si cela n’était pas un oxymore, il pourrait être noté AAA++. En outre, alors que la montée des risques du double contexte géopolitique-dette lui a déjà remarquablement bénéficié en 2019, pour 2020, les mêmes éléments, les valeurs du dollar et des taux d’intérêt réels portent ses prévisions optimistes vers les 2.500 dollars l’once.