Terres rares et grands travaux européens

Faut-il le rappeler en Europe comme dans le reste du monde, le cycle industriel, l’industrialisation ou la réindustrialisation signifient d’abord un accès à des ressources naturelles. Un pays doit donc avoir une doctrine matières premières qui visera l’indépendance énergétique, l’autosuffisance alimentaire et l’indépendance minérale grâce à des objectifs d’industriels.

Les médias et ce blog regorgent d’appels à des grands travaux de croissance et d’industrialisation pour résoudre la crise européenne. Pourquoi des eurobonds pourraient-ils financer des rails, des ronds points, les autoroutes entre la Pologne et la Roumanie et aucun accès à des ressources naturelles industrielles en France ?

Premier point
Faut-il le rappeler, en Europe comme dans le reste du monde, le cycle industriel, l’industrialisation ou la réindustrialisation signifient d’abord un accès à des ressources naturelles. C’est-à-dire faire de l’exploration, de l’exploitation et de la transformation. Ensuite vient la fabrication industrielle et le marketing ; puis les services, et enfin le recyclage.

Sans accès aux ressources, point d’industrie. J’ajoute : sans accès compétitif aux ressources, point de ré-industrialisation compétitive.

Un pays doit donc avoir une doctrine matières premières qui visera l’indépendance énergétique, l’autosuffisance alimentaire et l’indépendance minérale grâce à des objectifs d’industriels.

C’est ainsi que des nations se différencient en fonction de dépendances ou d’indépendances minérales, agricoles et énergétiques, librement et raisonnablement choisies de manières équitables en prix et en disponibilité par des hommes d’état, pour le compte de populations quelles soient urbaines ou rurales.

Accès aux ressources
Au moins quatre pays d’Europe exploitent des mines de métaux de base sur leur territoire : le Portugal, l’Espagne, la Pologne, la Finlande. Il est possible d’avoir des mines rentables dans la zone euro.

En France, en dehors des régions houillères, sait-on que nous ne connaissons pas l’horizon géologique sous les 100 mètres ? La France dispose fort probablement de gisements de métaux de base sur son sol métropolitain (cuivre, zinc…), ainsi que leurs coproduits qui sont souvent des métaux stratégiques utilisés dans les énergies climatiques. La France dispose aussi de gisements de terres rares qu’il faudrait découvrir. Et si nous produisons du cuivre ou du zinc plus cher qu’ailleurs, ce coût resterait toutefois inférieur au prix de nos importations. Pour les unités de traitements, elles existent déjà dans l’ouest et le nord de la France, en Belgique et en Allemagne.

Au moins quatre pays d’Europe disposent de gisements probablement substantiels d’huile et de gaz de schiste : la France, la Pologne, l’Ukraine et la Norvège. Pourquoi payer au prix fort des hydrocarbures alors que nous en avons probablement chez nous ? Certes, ils ne permettront pas une indépendance énergétique mais contribuerons à notre sécurité énergétique. Et même si nous les produisons à un coût vingt fois plus élevé que dans le Golfe Persique, c’est 100% de croissance distribuée dans les salaires et les investissements et des prix inférieurs aux prix de nos importations.

Exploiter ces gisements de métaux et d’hydrocarbures dans le cadre de grands travaux européens, en protégeant l’environnement, en accord avec les populations locales, c’est non seulement de la croissance mais aussi une fiscalité de rente pour les Etats et les régions qui ne demanderaient rien à personne. L’ensemble signifie aussi un amont de la chaîne qui développe son environnement immédiat et industrialise l’aval. Plusieurs centaines de milliers d’emplois sont concernés.

Conclusion
Certes, les énergies climatiques (éoliennes, panneaux solaires) sont au centre des propositions de grands travaux. Et dans ce cas, pourquoi devenir dépendant de la Chine pour l’approvisionnement de ces métaux et minéraux indispensables aux appareillages de deuxième génération plutôt que d’exploiter et d’industrialiser ces matières premières à partir de nos sous-sols européens ?

Si nous ne faisons rien, le couple grands travaux plus énergies climatiques de deuxième génération engendreront de nouvelles dépendances, encore mal comprises, voire pour certaines inconnues vis à vis des matières premières stratégiques. Nous avons le choix entre subir des chocs de matières minérales, comme nous avons subi des chocs pétroliers, et nous réindustrialiser à partir de nos sous-sols dans le cadre, pourquoi pas, de grands travaux.
Publié dans Les Échos le 16 05 2012