In La Tribune 21/10/2020
L’Europe est toujours en confinement partiel ou en couvre-feu et notre dynamisme est en panne, les États-Unis expérimentent une élection criarde et incommodante, le Brexit accouche d’un problème.
Contrastes de l’autre côté de la planète. En Chine la reprise est consistante. Les exportations de matériels médicaux y ont été un moteur de croissance de printemps, puis la construction immobilière, la production d’acier, la consommation de cuivre, d’aluminium ou la construction de batteries pour véhicule électrique sont, après une reprise en V, revenus au niveau d’avant crise.
L’économie chinoise affiche son découplage avec les nôtres. Sa force résultante est un taux de change USdollar/Yuan favorable et des centaines de milliers de chinois testés aux vaccins anti-Covid.
Transformation chinoise en mode bas-carbone
Pour l’avenir une autre dynamique chinoise se confirme, car entre les programmes électoraux de Trump et de Biden, la Chine choisit la compétition avec le Green New Deal démocrate.
En préambule du 14ème plan quinquennal 2021-2025 dont les détails seront connus fin octobre, puis de sa future et ambitieuse neutralité carbone pour 2060, Pékin utilise la dernière ligne droite des élections américaine pour bannir, sans encore totalement le dire, le charbon australien. Biden ferait-il mieux ?
Le 14ème plan poursuivra en effet la décarbonation de l’économie, longue marche entre le « Yin et le Yang du carbone » qui s’illustre par la future élimination de 60% de la production électrique produite à partir du charbon, et l’augmentation de l’électricité nucléaire et au gaz, du solaire et de l’éolien pour dynamiser une pénétration des véhicules électriques d’environ 30% d’ici 5 ans.
Pour le premier consommateur mondial d’énergie et émetteur de carbone, c’est une nécessité, il doit enfin protéger son environnement tant sa force est habitée de ses propres faiblesses : outre qu’une future élévation du niveau des mers y menacerait environ 130 millions habitants du littoral, le dérèglement climatique et les inondations peuvent rapidement désorganiser de grands centres industriels, dont celui du delta de la Rivière des Perles ou le bassin du fleuve Yangtze qui regroupe à lui seul 600 millions d’habitants et 40% du PNB national.
Cuivre, platine, nickel, lithium
Quoi que l’on pense de la Chine, et avec raison, c’est un avantage pour un pays d’avoir une doctrine, des stratégies, des plans ; des solidarités stratégiques énoncées, implémentées et des résultats économiques visibles, logiquement enchâssés les uns dans les autres qui s’adaptent aux contingences.
La transformation chinoise en mode bas-carbone connaît ce privilège dans son bouleversement. Il est aimablement illustré par une métaphore toute confucéenne du président chinois : « des collines vertes aux eaux bleues sont des collines d’or et d’argent ». Effectivement les métaux éclairent cette mutation.
Le cuivre parce que la production électrique, sa transmission, son stockage et sa consommation dans les véhicules électriques, les infrastructures ou la 5G impliquent à brève échéance une augmentation de la consommation d’environ 15% de la demande mondiale. Mais la production mondiale de cuivre en mode Covid sera-t-elle capable de répondre aux objectifs de la décarbonation ? Probablement pas. Il faudra donc adapter la demande et par exemple ne pas remplacer un véhicule à moteur thermique par un véhicule électrique, mais plutôt être dans un ratio de quatre pour un, avec à la clef la nécessité de la 5G pour gérer l’auto partagée et les voitures sans conducteur.
Ce raisonnement vaut également pour le platine, un métal très rarement mentionné comme un futur bénéficiaire de la décarbonation liée à l’hydrogène. Le platine est cinq à six fois plus présent dans les membranes d’échange d’ions des piles à combustible, que dans les catalyseurs des voitures thermiques. Tant que la technologie H² n’évoluera pas, la production mondiale de platine restera une entrave aux voitures à hydrogène, sauf en cas de mutualisation des consommateurs et le partage de véhicules sans conducteur. Ici, la 5G est également nécessaire.
Le cas du nickel est moins problématique. Les aciers inoxydables consomment 68% de la production mondiale, mais grâce à des substitutions par des inox sans nickel et certains aciers au carbone, une partie peut être détournée vers les batteries, notamment les productions canadienne et russe. En outre, nous connaîtrons d’autant moins de déficits de nickel que d’une part les batteries Lithium-Fer-Phosphate utilisées notamment par Tesla et Daimler ne contiennent pas de nickel (ni de cobalt), et que d’autre part les risques de surchauffe et d’incendie des batteries au nickel 8-1-1 rencontrés par plusieurs constructeurs récemment ne seront pas jugulés.
Le lithium n’est pas non plus un problème, les productions sont suffisantes, les progrès techniques pour diminuer la consommation sont encore en cours. Tout comme la situation des terres rares, qui n’ont jamais été présentes dans les batteries du futur, l’ensemble renverse une nouvelle fois la fake-news des « métaux rares ».