In La Tribune 19/12/2023
À l’heure des résultats de la COP 28, une récente étude émanant des universités de Leiden et Delft aux Pays-Bas conclut que la transition énergétique nous conduira vers une emprise de l’extraction des ressources naturelles bien inférieure à celle de notre époque, dominée par le charbon et les autres hydrocarbures.
Pourtant, cette étude provenant du corps académique est basée sur des chiffres inexacts : elle raisonne vraie, mais à partir d’élément faux, car elle est reprend sans les modifier des hypothèses émanant de l’étude « net-zero emissions 2050 » (NZE 2050) de l’Agence Internationale de l’énergie (AIE).
Des perspectives minières qui conduisent à des pénuries
Malgré la prise en compte d’un timide recyclage, qui, comme tout processus industriel, est perfectible, les conclusions de cette étude NZE 2050 ont toujours été très discutables. En cause, ses excessives — donc insignifiantes — et gigantesques perspectives minières, conduisant à des pénuries, afin de subvenir à la future consommation de métaux. Excessive en effet, car, alors qu’elles existaient déjà, NZE 2050 oubliait de tenir compte de l’élément le plus important de la transition énergétique : la réduction de l’emprise minière grâce à une réduction des consommations guidée par des innovations technologiques de substitution.
L’exemple le plus criant concerne la consommation de métaux dans les batteries des véhicules électriques. L’étude de 2020 de la Banque mondiale sur les métaux critiques, qui inspira celle de l’AIE de 2021, mentionne 18 fois l’abréviation NMC (caractérisant les batteries Nickel-Manganese-Cobalt) et une seule fois LFP (sigle des batteries Fer-Phosphate). Un an plus tard, l’AIE cite 64 fois le sigle NMC mais seulement 23 fois LFP.
Pourtant, dès 2020, grâce à CATL et Tesla, chacun savait que les batteries LFP (sans nickel ni cobalt) étaient préférables aux batteries NMC (avec nickel et du cobalt).
Il était remarquable que dès cette époque la Chine montrait la voie, et ce sont désormais près de 70 % des batteries installées sur les voitures électriques qui sont des batteries LFP. De nos jours, l’Europe et les États-Unis vont dans la même direction.
Étonnamment, personne n’a exploré l’impact substitutif sur la consommation de nickel et du cobalt et donc de l’incitation à la modération quant aux prévisions sur l’exploitation minière. Bien au contraire, les deux études ont appuyé sur les effets délétères de son augmentation.
Aparté : avec un besoin moindre de nickel que prévu, est-ce pour cela que la tactique actuelle de Paris en faveur du nickel calédonien est un plan trop petit, trop tardif et donc une nouvelle erreur stratégique ?
Conséquences de la substitution du lithium par du sodium
Dans la même veine, aucune prospective dans les deux études de la Banque mondiale et de l’AIE quant à la substitution du lithium par du sodium ; rien sur les aimants permanents sans terres rares ; rien sur la disparition de terres rares d’éoliennes ou bien des moteurs des voitures électriques alors qu’elles sont présentes dans les voitures essence ; encore moins sur l’équipollence des quantités de cuivre embarqué dans les voitures à propulsion électrique et à hydrocarbures ; rien de rien sur une idée plus générale : la Tesla actuelle est à la voiture électrique ce que la FordT de 1908 fut aux voitures thermiques actuelles, des progrès tous azimuts étaient à prévoir.
Pourquoi ces erreurs ? Sans doute par habitude d’utiliser le modèle de pensée sur les hydrocarbures qui ne connait pas ou peu les forces de la substitution et du recyclage dans ses matières premières : pétrole, gaz, charbon. En effet, si ces estimations avaient intégré plus de facteurs industriels métallurgiques, les résultats eurent été plus probants : « La bêtise peut parler pour ne rien dire, l’intelligence non », disait de Gaulle.
Ces mauvaises anticipations de la future consommation de métaux, poussant l’idée de pénuries, feront face à une autre réalité : dans dix ans, les métaux critiques embarqués dans la propulsion électrique pèseront moins lourds que dans une voiture à essence ou au diesel.
Puissance du lobby des hydrocarbures
En conséquence, il est certain que l’impact de la future extraction minière des métaux nécessaires à la transition énergétique sera bien moindre qu’anticipé et bien inférieur à l’emprise extractive contemporaine. Grâce à la future disparition du charbon, du pétrole et du gaz, en dépit d’une croissance du cycle minier toujours tempéré par une production raisonnée par ses coûts et une consommation maîtrisée par l’écoconception, la substitution et le recyclage, la transition énergétique nous conduit bien vers une réduction globale de l’extraction des ressources naturelles.
Malgré ces évidences la référence de la transition énergétique dans ce domaine continue d’être des attestations biaisées mélangeant métaux et pénurie initiées par un lobby pro-pétrole qui était également à l’origine du wokisme géologique de la fake news des « métaux rares ».
La suite est désormais connue. La puissance de ce lobby pour ne pas sortir des énergies fossiles mais transiter ont été très remarquées au cours de la dernière COP 28 ; nul doute qu’elles seront de nouveau à l’œuvre à Bakou pour la COP 29.
Toutefois, puisque la science pose la vérité comme valeur suprême, d’autres vecteurs médiatiques surgiront et d’autres manifestations mondiales seront nécessaires pour dire cette vérité.